23 janvier 2017
Nicolas était connu dans la "famille des malades de Lyme".
Beaucoup ont pu échanger avec lui, sur ses difficultés de santé, ses recherches, ses interrogations, pour trouver des pistes de traitements, des solutions qui soulagent.
C'était un jeune homme éclectique, intéressé par la création artistique, la philosophie, la spiritualité, la méditation, l'alimentation et qui, à tout juste 25 ans, avait déjà des questionnements et des vécus intenses. Sa vie a basculé en 2009, suite à une vaccination qui a entraîné des bouleversements physiologiques qui ont bien sûr été incompris et qui a été le grain de sable venant enrayer une machinerie complexe.
Ses difficultés l'ont amené en 2015 à une première tentative de suicide, car comme beaucoup de personnes atteintes de Lyme, les médecins le cataloguaient "psy" et plutôt que de se voir interné en hôpital psychiatrique, il a sauté du 5ème étage...
Je vous invite, si vous n'avez pas encore eu l'occasion, à voir l'histoire de Yannick, embarqué dans des procédures psychiatriques alors qu'il était atteint de Lyme, pour imaginer le contexte dans lequel les personnes se débattent et surtout l'impact que cela peut avoir sur le psychisme justement, et toute la souffrance engendrée, de ne pas être compris et catalogué autre chose que ce que l'on traverse.
Suite à sa première tentative de suicide, Nicolas s'était mis à faire des vidéos, partageant ainsi ses réflexions, ses états d'âmes, ses critiques d'un système auquel il était confronté.
J'ai personnellement pensé qu'avec ces vidéos, "c'était gagné", que la vie avait repris le dessus, qu'il avait trouvé un chemin pour dépasser les contraintes dans lesquelles la maladie et le monde médical l'avaient mis. Hélas, ce n'était pas suffisant.
Nicolas était très lucide de là où il se sentait le plus atteint. Il a fait une vidéo intitulée "ma vie est un enfer", où ce qu'il explique n'est pas tant une liste de symptômes physiques et la plainte pour des petits bobos, pourtant très invalidant lorsque l'on traverse cette maladie, mais des critères très précis à savoir :
- perte de mémoire
- perte de la spiritualité
- perte de la capacité à être en lien avec les autres
- perte de la créativité
- perte de l'identité
- se sentir incapable de donner de l'amour
- ne plus être à la hauteur
C'est à dire des critères qui touchent à l'être profond, à l'existence même. Et je reconnais dans cette énumération des choses que j'ai moi-même éprouvé profondément, quand je traversais cette maladie au plus haut des symptômes et donc au plus bas de moi-même. Toute ma connexion aux autres, à mes capacités, à mon pouvoir créateur, et aux plans supérieurs semblait perdue. La souffrance physique avait "mangé" littéralement tout mon être, et la neuroborréliose créait une véritable déconnexion cérébrale, un envahissement du système nerveux, et j'atteste, comme lui, de ce sentiment de devenir tout d'un coup un "autiste", de ressentir une grande coupure et en tout cas de se sentir devenir un légume et donc de perdre son intégrité.
Nicolas avait à coeur de ne pas perdre son intégrité, cela revient dans tout ce qu'il a écrit et ne plus pouvoir faire ce qui comptait le plus pour lui, il le vivait comme une torture.
"J'ai un amour infini pour les mots et les écritures. Artiste : j'aurais voulu être producteur de musique et écrivain, et c'est désormais mon paradis perdu. (...) L'autre voie que j'aurais aimée emprunter pleinement : la spiritualité. moine bouddhiste, prêtre, grand méditant, j'aurais préféré dix mille fois une vie austère plutôt qu'une vie de directeur commercial".
"Je suis quelqu'un qui adore parler qui adore les autres, leur donner des sourires et de l'amour et le fait que je ne puisse plus faire cela a pesé extrêmement lourd au moment crucial du choix". (référence à sa première tentative)
Pour lui, le fait d'avoir été mis sous neuroleptiques est ce qui a aggravé son état et l'a profondément coupé de ses émotions, de sa vitalité psychique et de sa connexion spirituelle.
"La plupart du temps les gens ne se suicident pas a cause de leur maladie mais à cause des dégâts moral qu’elle entraîne. J’ai déjà tenté énormément de choses pour me guérir mais cette fois la rechute est bien trop gigantesque. Chaque jour est une résistance pour ne pas devenir fou. Il me reste trop peu de forces. Le plus difficile dans tout ça, c'est que la maladie et les médicaments me privent de ma vie mystique et c'est en cela que c'est aussi invivable."
Il était aussi conscient que son geste pouvait être incompris ou qu'il pourrait être jugé, et son soucis était de pouvoir rejoindre la lumière de la façon la plus rapide possible : "Peu importe la religion que vous exercez, essayez de prier au mieux pour le salut de mon âme et que tout puisse s'alléger pour que je parte vers le haut. J'ai besoin d'hommes de foi et non d'homme de sciences pour continuer sereinement".
Voilà, Nicolas représente un passage sur Terre condensé en 25 années avec tous ses aléas, les questionnements, les errements, les apprentissages auxquels nous sommes soumis, sans forcément trouver la clé tout de suite, dans ce grand labyrinthe d'où nous ne savons pas toujours sortir.
Et nous pouvons honorer, pour Nicolas et chacun d'entre nous, les limites, les voiles, les illusions qui, à un moment ou un autre, nous font perdre confiance, abandonner la route, et rentrer à la Maison.
MT
"Soyez en paix
Rien que l'amour, la paix et la compassion.
Rien d'autre.
Rien.
Je vous aime."
Nicolas, le 15.12.16