Le chemin de croix de Viviane Schaller contre la maladie de Lyme

Témoignage paru dans Réforme du 9 juillet 2015 , n°3617
http://reforme.net/une/societe/chemin-croix-viviane-schaller-contre-maladie-lyme
Pour avoir voulu aider lesMALADES DE LYME, Viviane Schaller, biologiste à Strasbourg, a été condamnée en novembre dernier pour « escroquerie à la Sécurité sociale ». Elle a fait appel.
Viviane Schaller est tout à la fois une femme blessée et une battante. Son histoire, qu’elle raconte dans un livre publié le 2 juillet, est hallucinante, au pays de l’un des meilleurs systèmes de santé du monde… Dans les années 2006-2007, cette biologiste, qui a ouvert un laboratoire d’analyses à Strasbourg en 1988, découvre, en discutant avec les patients, que quelque chose ne va pas. Le test Elisa, prôné dans le cas d’un soupçon de Lyme par le CNR (Centre national de référence des borrélioses), se révèle très souvent négatif. Un médecin l’interroge : « J’ai tous les symptômes de Lyme, mon test est négatif, pourquoi ? »
Viviane Schaller se met alors en recherche et découvre que le test Elisa manque clairement de fiabilité. Avec des généralistes de la région – l’Alsace est particulièrement infestée par les tiques –, elle décide qu’un autre test, le Western Blot, doit être systématiquement utilisé quand les résultats d’Elisa se révèlent douteux. Peu à peu, des médecins de toute la France lui envoient des sérologies de patients.
Traînée dans la boue
Résultat : Viviane Schaller dérange en osant remettre en cause la fiabilité des tests prônés par le CNR. « Le test Elisa a été conçu, aux États-Unis, pour des souches américaines. Or les souches européennes sont très différentes », explique-t-elle. Pour comprendre ce qui arrivent aux patients, elle va donc tester, pour « son » Western Blot, cinq souches de borrelia au lieu d’une. Une démarche que récuse le professeur Jaulhac, directeur du laboratoire associé au CNR, rejetant l’idée que mélanger le nombre de souches rende le test plus efficace.
Les relations vont s’envenimer avec notamment le professeur Daniel Christmann, infectiologue au CHU de Strasbourg, ancien directeur du laboratoire associé du CNR. « À plusieurs reprises, j’ai cherché à établir un dialogue avec les professeurs Jaulhac et Christmann mais je n’ai jamais eu de réponse à mes propositions deRENDEZ-VOUS, raconte-t-elle. Fin 2011, le Pr Christmann a envoyé à l’Agence régionale de santé (ARS) d’Alsace un courrier m’accusant de rendre des résultats de Lyme faussement positifs à 90 %, mettant ainsi en danger des malades. Ces statistiques étaient basées sur des comparatifs entre leur protocole, qui considère Elisa fiable et leur test Western Blot avec une seule souche de borrélia meilleur que le mien. »
Résultat : l’ARS enjoint Viviane Schaller à fermer son laboratoire du 13 février au 13 mars 2012 . C’est un choc, d’autant que des médecins, comme Pierre Kieffer, du CHU de Strasbourg, qui juge, dans L’Alsace, Lyme « bien connue » et « parfois surestimée », l’accuse d’être un « escroc », qui « s’enrichit aux dépens de patients crédules », s’acharnent.
L’ARS ne la lâchera plus et finira par déposer plainte pour enrichissement au détriment de la Sécurité sociale. Pourtant, jusqu’alors, quatre autres caisses d’assurance maladie, conscientes de la nécessité du Western Blot, n’avaient rien trouvé à redire au remboursement de ce test. « J’ai été traînée dans la boue dans les journaux, c’était terriblement humiliant. Habituellement, dans ce genre d’affaires, on ne donne pas le nom complet du praticien, juste une initiale. Pas dans mon cas… »
Le 31 mai 2012 au soir, Viviane Schaller apprend qu’elle doit définitivement fermer, dès le lendemain, son laboratoire. « J’ai été spoliée de mon instrument de travail. Et que fallait-il faire de tous ces sérums de malades qui attendaient leurs résultats ? » Son procès pour préjudice à la Sécurité sociale s’ouvre en septembre 2012 , est repoussé. En novembre 2014 ,LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL de Strasbourg la condamne à neuf mois de prison avec sursis pour escroquerie et à verser 280 820 euros à la CPAM au titre de dommages et intérêts. Elle a fait appel devant laCOUR de Colmar.
Viviane Schaller se veut confiante. Le rapport du Haut Conseil de la santé publique sur la borréliose de Lyme, publié en décembre 2014 , pose la question de la fiabilité des tests et leMINISTÈRE DE LA SANTÉ a confirmé, le 24 juin, le lancement « d’une évaluation sur les performances des kits de souches ». Elle espère aussi que la conférence de consensus de 2006 sera débattue. « J’ai toujours dit la même chose que les professeurs Perronne, Montagnier et que les médecins du groupe Chronimed sur les infections froides. Il est temps que l’on nous prenne au sérieux ! Car, pendant ces polémiques, les cas des malades s’aggravent, ils développent des pathologies dégénératives. »
Viviane Schaller refuse de baisser les bras. « J’ai mis en évidence des milliers de faux négatifs en procédant à un contrôle systématique par un Western Blot plus performant. C’est un combat acharné pour que lesMALADES DE LYME soient enfin pleinement reconnus, qu’on leur propose des tests sûrs. Cessons de les prendre en otages. J’y ai sacrifié mon labo, j’ai été radiée par le Conseil de l’ordre des biologistes. Mais je maintiendrai le cap, mon éthique protestante m’y pousse. »
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