Mercredi 29 août 2012
En Asie du Sud-Est, et en particulier en Thaïlande, depuis une dizaine d’année (1,2) sont décrits des cas d’infections disséminées à mycobactérie atypique chez des adultes, parfois associée à d’autres maladies opportunistes (cryptococcose, salmonellose disséminée, pénicilliose, histoplasmose, infection sévère par le virus varicelle-zona), chez des sujets immunocompétents non infectés par le VIH. Ces patients présentent pour certains des obstructions lymphatiques, et des manifestations dermatologiques inflammatoires : syndrome de Sweet, psoriasis pustuleux, érythème noueux… Ces descriptions suggèrent l’apparition d’une nouvelle entité clinique correspondant à un déficit de l’immunité cellulaire acquis. Vingt-cinq de ces cas depuis 2004 ont été associés à la présence d’auto-anticorps neutralisants dirigés contre l’interféron-γ, cytokine jouant un rôle clé dans l’immunité innée et adaptative, en particulier contre les mycobactéries. 97 cas sans infection par le VIH Sarah Browne et coll. comparent en détail dans le New England Journal of Medicine les fonctions immunitaires de cas et de témoins en Thaïlande et à Taiwan, recherchant entre autres des anticorps dirigés contre 41 cytokines susceptibles de conférer un déficit immunitaire (3). Les sujets étudiés ont été répartis en 5 groupes : mycobactériose atypique disséminée (groupe 1, 52 patients), infection opportuniste avec ou sans mycobactérie (groupe 2, 45 patients), tuberculose disséminée (groupe 3, 9 patients), tuberculose pulmonaire (groupe 4, 49 patients), sujets sains (groupe 5, 48 patients). Les patients des groupes 1 à 3 avaient tous une sérologie VIH négative. Pour aucun des cas décrits il n'était retrouvé une distribution familiale de la maladie, rendant peu probable une origine génétique transmise sur un mode mendélien. L’immunophénotypage lymphocytaire réalisé chez les cas et témoins ne montrait pas de différences significatives entre les groupes (en particulier en ce qui concerne le comptage des CD4). Seule la présence ou l’absence d'auto-anticorps anti-interferon-γ étaient corrélées au déficit immunitaire. Quatre-vingt huit pour cent des patients (85 cas) des groupes 1 et 2 présentaient cet auto-anticorps à un titre élevé, contre 1 patient dans chacun des 3 groupes témoins (p < 0,001). Pour ces trois derniers sujets, aucune activité neutralisante de l’auto-anticorps n’a été détectée. Pas un nouveau SIDA, mais plutôt une nouvelle maladie auto-immune Peu d’éléments sont disponibles sur l'épidémiologie de cette nouvelle entité clinique. Il ne semble pas exister d’argument évoquant une origine infectieuse pour ce qui se présente en apparence comme une maladie auto-immune s’attaquant au système immunitaire, écartant le spectre d’un « nouveau SIDA » épidémique. Cependant, l’incidence, la prévalence et la mortalité de cette pathologie ne sont pas connues. Il est par ailleurs difficile d’affirmer que cette pathologie nouvellement décrite n’est pas en réalité présente depuis longtemps avec des cas sporadiques. Comme dans bon nombre de maladies auto-immunes, les phénomènes déclenchant la production de cet auto-anticorps sont également inconnus. Les répartitions ethniques et géographiques (les patients sont presque exclusivement des asiatiques) permettent seulement d’évoquer une origine génétique et/ou environnementale. Il est à noter que des cas ont été décrits chez des patients d’ascendance asiatique dans des pays occidentaux. La découverte de ce mécanisme auto-immun pourrait conduire à proposer paradoxalement un traitement immunosuppresseur dans ce déficit immunitaire, comme cela a déjà été tenté pour des patients décrits dans la littérature médicale. Dr Alexandre Haroche 28/08/2012 1) Chetchotisakd P et coll.: Disseminated Infection Due to Rapidly Growing Mycobacteria in Immunocompetent Hosts Presenting with Chronic Lymphadenopathy: A Previously Unrecognized Clinical Entity. Clin Infect Dis 2000; 30: 29-34.